INTRODUCTION

« Nul ordre, nulle société ne peut exister sans lois. L’exécution de ces lois assure la prospérité de la société ; leur oubli ou leur infraction en amène la décadence et la ruine.

La sagesse de celles qui dirigent l’Ordre Maçonnique, aussi respectable par son ancienneté que par son utilité, l’a fait triompher du temps et de ses adversaires, malgré les atteintes que lui ont portées quelques-uns de ses membres, soit par leurs vices personnels, soit par les abus multipliés, qu’ils ont tâché d’y introduire. S’il a perdu de son ancienne splendeur dans quelques contrées de l’Europe c’est à ces membres corrompus qu’il faut l’attribuer, le vulgaire ayant injustement rendu réversible sur le corps entier ce qui le scandalisait dans des individus, qui, malgré le beau nom dont ils se paraient étaient cependant tout à fait étrangers à l’Ordre Maçonnique. Mais les mêmes vertus, qui l’ont préservé, peuvent encore lui rendre toute la gloire, et même il n’a jamais cessé d’en jouir dans les lieux où la pratique de ces vertus a été la base de tous ses travaux.

On ne peut cependant se dissimuler, que cette espèce de Maçons qui prétendent avoir acquis ce titre par la cérémonie de leur réception, quelque irrégulière qu’elle ait été, se sont multipliés considérablement dans certaines contrées, où il se trouvait peu ou point d’établissements réguliers ; ignorant les véritables lois de l’Ordre ils en ont créé d’arbitraires, qui favorisaient leur ambition et leur cupidité ; ils ont porté dans ces nouvelles et nombreuses sociétés le goût pour l’indépendance et pour les plaisirs bruyants que l’Ordre a toujours condamnés, et pour soutenir l’espèce de considération, qui était nécessaire à leurs vues intéressées et qu’ils avaient surpris par les dehors mystérieux d’une fausse science, ils ont surchargé leurs cérémonies de nouvelles productions toujours plus chimériques et plus absurdes les unes que les autres, et dont le plus grand nombre des Maçons a été longtemps la dupe.

Mais tandis que l'erreur multipliait ainsi les prosélytes, les vrais Maçons plus circonspects dans leur marche et plus difficiles dans leur choix faisaient des progrès lents mais assurés. Moins jaloux de captiver la multitude que d'acquérir de dignes Frères, ils attendaient en gémissant que le prestige eut cédé, et que reconnaissant l'erreur dans laquelle on avait été entraîné, on marquât un désir sincère d'entrer dans les vues. légitimes de l'Ordre et de suivre scrupuleusement les lois, en le dépouillant de tout intérêt personnel et de tout esprit de domination. Mais dédaignant par principe ces grands moyens, qui assujettissent les volontés ils ne devaient attendre cette importante révolution que du temps et de la disposition libre des esprits.

Cependant quelques Maçons plus zélés qu'éclairés mais trop judicieux pour se nourrir longtemps de chimères, et lassés d'une anarchie dont ils sentaient le vice, firent des efforts pour se soustraire à un joug aussi avilissant. Des Loges entières dans diverses contrées, sentant la nécessité d'un centre commun dépositaire d'une autorité législative se réunirent et coopérèrent à la formation de divers grands Orients. C'était déjà de leur part un grand pas vers la lumière mais à défaut d'en connaître le vrai point central et le dépôt des lois primitives, elles suppléèrent au régime fondamental par des régimes arbitraires particuliers ou nationaux, et par les lois qui ont pu s'y adapter. Elles ont eu le mérite d'opposer un frein à la licence destructive, qui dominait partout, mais ne tenant point à la chaîne générale, elles ont rompu l'unité en variant les systèmes.

Des Maçons de diverses contrées de France, convaincus que la prospérité et la stabilité de l'Ordre Maçonnique dépendaient entièrement du rétablissement de cette unité primitive, ne trouvant point chez ceux, qui ont voulu se l'approprier, les signes, qui doivent la caractériser, enhardis dans leurs recherches par ce qu'ils avoient appris sur l'ancienneté de l'Ordre des Francs-maçons, fondé sur la tradition la plus constante, sont enfin parvenus à en découvrir le berceau ; avec du zèle et de la persévérance ils ont surmonté tous les obstacles et en participant aux avantages d'une administration sage et éclairée, ils ont eu le bonheur de retrouver les traces précieuses de l'ancienneté et du but de la Maçonnerie.

Une autre erreur bien commune et bien dangereuse enfantée dans ces temps de troubles et d'anarchie que nous déplorons, et accréditée depuis par l'usage, consistait à regarder les fonds d'une Loge, provenant des réceptions, comme lui appartenant en propre, sans reddition de compte à ses supérieurs ; delà la multitude de Loges formées sans constitutions légales pour favoriser la cupidité de quelques prétendus maîtres et de ceux, avec qui ils voulaient bien partager les produits de leur trafic. Delà encore ces dépenses énormes employées en banquets trop somptueux, et en futiles et magnifiques décorations qui n'étant plus surveillées ont absorbé des fonds, dont la destination était bien plus précieuse, et ont été comme autant de larcins faits aux vues de bienfaisance qui caractérisent l'Ordre, et qui devaient le rendre respectable aux yeux des profanes.

Il était toutefois aisé, en réfléchissant sans intérêt personnel d'après les principes d'une raison éclairée, de reconnaître que les Loges ne font que des sociétés particulières, subordonnées à la société générale, qui leur donne l'existence et les pouvoirs nécessaires pour la représenter dans cette partie d'autorité qu'elle leur confie ; que cette autorité partielle émane de celle qui réside essentiellement dans le centre commun et général de l'Ordre, représenté, par ces Corps préposés à l'administration générale et particulière des différents districts et au maintien et à l'exécution de ses lois ; qu'aucune d'elles ne peut exister régulièrement, que par un consentement exprès des chefs légitimes de l'Ordre, constaté par la patente de constitution qu'ils lui donnent à la charge de se conformer aux lois statuts et règlements de l'Ordre, sans laquelle tous les actes de la Loge seraient nuls et clandestins, et les rétributions qu'elle exigerait, une véritable concussion ; qu'en vertu de cette constitution, la Loge acquiert à la vérité la faculté et le pouvoir de recevoir légitimement au nom de l'Ordre dans les quatre grades maçonniques, et de percevoir les rétributions prescrites, mais que le produit de ces rétributions appartient proprement à l'Ordre en général, vu que les Loges n'agissent, et ne peuvent agir - qu'en vertu des pouvoirs qu’elles en ont reçus.

Il s'ensuit que l'Ordre, devant pourvoir au bien-être de tous ses établissements doit céder aux Loges sur ce produit tout ce qui est nécessaire à leur entretien, et un excédent, qui puisse les mettre en état, par une sage économie, de remplir d'une manière satisfaisante et solide les vues bienfaisantes de l'institut ; mais qu'il peut et doit s'en réserver une portion, pour l'exécution des mêmes projets pour l'Ordre en général, et pour subvenir aux frais considérables dune administration aussi étendue qu'elle est importante. Cette manière de voir plus sage et plus vraie, en prévenant les déprédations et les dépenses inutiles et immodérées, aurait produit en France les effets les plus salutaires, et aurait rendu l'Ordre des Maçons aussi respectable aux yeux du vulgaire qu'il a été avili par les abus. Pour s'en convaincre, il ne faut que jeter les yeux sur les contrées du nord de l'Europe, où l'esprit de l'institut s'est mieux conservé. On verra avec autant de plaisir que de surprise les immenses secours, que les Directoires ont procuré dans toutes les circonstances calamiteuses, et les établissements patriotiques qu'ils y ont formé pour le soulagement de l'humanité. Pourquoi donc les Maçons français aussi compatissants et généreux qu'aucun autre peuple de l'Europe, ne s'empresseraient ils pas d'imiter de si grands exemples, en s'unissant à un régime si utile et si satisfaisant, surtout lorsqu'ils auront la certitude, que le dépôt des produits et son emploi est rigoureusement surveillé et administré avec sagesse. C'est ce dont ils vont être instruits par le précis du gouvernement général et particulier de l'Ordre (…) »

PRÉCIS
Du gouvernement général de l'Ordre des Franc maçons, d'après les lois fondamentales, observées dans le régime réformé et rectifié

L'ordre entier de la Franc-maçonnerie rectifiée est gouverné par un Grand Maître général, par des Grands Maîtres nationaux et Administrateurs provinciaux, et par des Directoires Écossais et des grandes Loges Écossaises, qui ont sous leur inspection ou tout l'Ordre en entier, ou une nation, ou une province, ou un district, ou un département particulier.

Chaque Grande Loge Écossaise est composée d'un Chef ou Président, des officiers nécessaires à la régie de son département et des Députés - Maîtres, qui y sont compris, et qui sont chargés d'inspecter chacun les Loges de son arrondissement particulier, et d'en rendre compte à la grande Loge Écossaise.

Chaque Directoire Écossais est composé de son Président, des représentants des Grandes Loges Écossaises, et des officiers nécessaires à l'administration de son district.

Les grands Directoires provinciaux sont composés d'un Administrateur général, d'un visiteur, d'un chancelier, et des Représentants des Directoires et Grandes Loges Écossaises.

Le grand Directoire national enfin est présidé par le Grand - Maître national, comme chef principal de la nation, des administrateurs provinciaux, des présidents des Directoires, et des conseillers et officiers nécessaires pour sa régie et pour son administration.

Par le moyen de l'ordre ainsi établi, les Loges et établissements inférieurs sont régulièrement représentés dans les corps supérieurs, et concourent à tous les actes qui en émanent. L'autorité réside dans tout l'Ordre assemblé régulièrement en Convent général.

Les Convents nationaux et provinciaux peuvent fixer la législation particulière d'une nation ou province, en tant qu'elle n'est pas contraire aux lois générales de l'Ordre.

Les causes litigieuses maçonniques sont jugées en première instance par le Comité Écossais de chaque Loge, présidé par le Vénérable Maître. De là elles peuvent être portées par appel à la grande Loge Écossaise ; de là au Directoire Écossais, et enfin en dernier ressort au grand Directoire national, mais sans effet suspensif.

Les objets de finance, qui regardent la Loge, sont discutés dans le Comité Écossais, et ensuite communiqués à la Loge entière, et les comptes sont visés par le Député Maître et envoyés à la grande Loge Écossaise, pour y être examinés. On ne peut disposer des fonds d'une Loge qu'avec le consentement de ses membres. La même chose a lieu pour les caisses des établissements supérieurs.

C'est d'après ces principes, que sont rédigés les Règlements généraux à l'usage des Loges réunies ; Règlements qui sont d'autant plus à la convenance de chacun, que tout engagement dans quelque classe ou établissement de l'Ordre que ce soit, admet et autorise de droit les réserves de ce qu'on doit au Souverain, au gouvernement, à la religion qu'on professe, et aux devoirs particuliers de l'état qu'on a embrassé.

Tout Frère, reçu dans une Loge rectifiée, ou affilié à ses travaux, est tenu de signer ce Code Maçonnique, et de promettre de s'y conformer et de concourir à en maintenir l'exécution.

Il est permis cependant à chaque Loge de faire des Règlements particuliers sur ce qui dépend de son local, pourvu qu'ils ne soient pas contraires à ces Règlements généraux et qu'ils soient approuvés par la grande Loge Écossaise, ou par le Directoire Écossais dont elles dépendent. Ils seront joints alors aux premiers, et signés de tous les Frères de la Loge.

On trouvera placé en tête de ces règlements généraux les qualités qu'on exige dans le Franc maçon, membre d'une Loge réunie, les devoirs moraux qui lui sont imposés, les soins que prennent les Loges rectifiées pour la conduire et le bien-être de leurs membres, et l'esprit de fraternité et la liaison intime entre les Frères, qui caractérisent les Loges réunies et rectifiées.

Des qualités et des devoirs d'un vrai Franc-maçon

Le premier engagement du Franc maçon en entrant dans l'Ordre, est d'observer fidèlement ses devoirs envers Dieu, son Roi, sa patrie, ses Frères et soi-même. Il ne le prête après qu'on s'est assuré du respect qu'il porte à la Divinité, et de l'importance qu'il attache aux devoirs de l'honnête homme. La cérémonie de sa réception, tout ce qu'il voit et entend, lui prouve que tous les Frères sont pénétrés de l'amour du bien. Tous se sont engagés par les promesses les plus saintes, d'aimer et de pratiquer la vertu, de se vouer à la charité et à la bienfaisance, et de respecter les liens, qui les unissent l'Ordre et à leurs Frères.

Les temps sont passés, où, méconnaissant l'esprit de la vraie Franc-maçonnerie, on n'a jugé du mérite d'un candidat que par l'augmentation des fonds ; où l'obligation maçonnique n'était qu'un jeu de mots, et les cérémonies de réception qu'un amusement puéril et souvent indécent ; ces temps, où l'on rougissait en public de ce qu'on approuvait en Loge, a où l'on craignait de rencontrer dans la société civile un homme, qu'on venait d'embrasser comme Frère. Ils sont passés ces temps malheureux, la honte de la maçonnerie, et nous tirerons le rideau sur des abus, auxquels une sage réforme a porté remède.

Fidèle aux lois primitives de l'Ordre, la Franc-maçonnerie d'après le régime réformé et rectifié, exige dans le candidat un désir sincère de devenir meilleur et d'appartenir à un Ordre, qui ne se montre au dehors que par des bienfaits, et qui compte parmi ses membres ce qu'il y a de plus respectable dans la société civile. On fait des perquisitions exactes sur son caractère, ses principes et ses mœurs, et on s'informe soigneusement, si son cœur est ouvert aux cris des malheureux, et s'il fait aimer et apprécier les douceurs de l'amitié. Si on n'a pas proscrit toute perception pécuniaire, c'est qu'on a vu, qu "en renonçant à tout objet d'économie et de finance, on se priverait de la principale ressource pour faire le bien. Il suffit qu'on soit persuadé, que l'argent qu'on donne est administré avec sagesse et employé utilement.

C'est mériter la reconnaissance d'un homme bien né que se servir des moyens qu'il offre pour faire des actes de bienfaisance.

Les Loges réunies et rectifiées regardent donc les mœurs avec raison comme un objet important et digne de toute leur attention. C'est surtout à l'égard des jeunes Maçons que cette attention se manifeste. Dès qu'un homme a été jugé digne d'être associé aux travaux maçonniques, il est sûr de trouver dans ses frères des guides sages et prudents ; tous les yeux sont ouverts sur sa conduite. On le reprend avec douceur, lorsqu'il tombe dans quelque faute, il est ramené quand il a le malheur de s'égarer, il est soutenu dans ses entreprises difficiles, on lui témoigne hors de la Loge comme dans son enceinte les égards dus à son mérite ; quelles que puissent être les barrières que la fortune ou la distance des états aient mises entre eux. Si des exhortations secrètes et fraternelles ne suffisent pas pour ramener un jeune Maçon qui s'est égaré, on a recours à des moyens plus efficaces ; on le suspend d'un certain nombre d'assemblées, ou on l'exclut totalement. Car l'indulgence serait déplacée et même criminelle dans les cas, où elle compromettrait la réputation d'un Ordre, qui a le pus grand intérêt à la conserver intacte. En pareil cas le jugement d'exclusion ou de longue suspension doit être notifiée à toutes les Loges réunies et rectifiées, non seulement pour qu'elles s'y conforment, mais aussi pour soutenir par cet acte de rigueur et d'éclat la vertu chancelante des faibles. Mais on ne doit punir que pour corriger. Si donc un tel frère revenait à lui et changeait de conduite, la Loge s'empressera de le réhabiliter, avec la même publicité, qu'elle avait donné à son inconduite.

C'est en veillant religieusement sur la discipline maçonnique et en pratiquant scrupuleusement les vertus que l'Ordre enseigne, qu'on réussira à déraciner entièrement les préjugés du vulgaire contre notre Institut, et qu'on rassurera tous les hommes sur le genre et l'objet de nos travaux. Un père éclairé, une mère tendre désireront le moment qu'ils redoutaient jusqu'ici, celui qui ouvrira à leurs enfants les portes de notre temple. On s'accoutumera à regarder nos Loges comme des écoles de bienfaisance, et on envisagera la réception d'un homme, comme le garant de son mérite.

Les voyageurs, séparés de leurs amis, ont plus besoin que d'autres de l'attention et des soins paternels des Loges. L'on ne se contente donc pas de les pourvoir de certificats ; on les recommande spécialement à l'amitié et à la bienfaisance des Loges et des frères, qui les composent, et les prie de 6/19: remplacer auprès d'eux les frères qu'ils viennent de quitter, de les aider de leur conseil et de leur crédit, et de les secourir dans le besoin en les assurant de la réciprocité la plus parfaite. Ces soins bienfaisants, imposés comme devoirs stricts et indispensables, deviennent pour les vrais Francs-maçons des sentiments nécessaires à leur bonheur ; indépendamment de l'estime publique, la pratique des vertus procure des jouissances vraies et durables à ceux, qui les remplissent fidèlement. C'est en aimant qu'on se fait aimer, et ce n'est que quand on inspire ce sentiment, que l'exemple des vertus qu'on donne, produit des effets salutaires et durables.

Texte intégral : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b72000115/f11.item

Cote BNF [FM IMPR-95]

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